-
"Strophes pour se souvenir"
Rappels : Chef d’un réseau de résistants, Missak Manouchian, poète d’origine arménienne, fut fusillé avec ses camarades par la Gestapo en février 1944. Après cette exécution, le Parti Nazi dénonça la résistance dans l’Affiche rouge comme une action menée par les Juifs, les étrangers et les communistes.
Poème « Strophes pour se souvenir » de L. Aragon
Strophes pour se souvenir
Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erevan*
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.
Louis Aragon, le Roman inachevé
*Erevan : ville d'Arménie
QUESTIONS :
I. Un poème inscrit dans son temps
1- A qui le poète s’adresse-t-il au début du poème ?
2- Quels éléments de la 1ère strophe permettent de dater l’écriture du poème ?
3- Quel document le poème évoque-t-il ? Que symbolise sa couleur ?
4- Dans la 2ème strophe, quels mots nous informent de l’origine des partisans exécutés ?
5- D’après le poème, comment sont-ils représentés sur l’affiche ? Quel est l’effet produit ?
6- Comment les habitants de Paris ont-il réagi de jour ? De nuit ? Pourquoi ?
II. Une autre voix
1- Pourquoi une partie du texte est-elle en italique ?
2- Relevez les indices d’énonciation de la partie en italique (Qui parle ? A qui ? Quand ? Dans quel but ?).
3-Quels sont les différents sentiments exprimés par le condamné ?
4- Au vers 29, quel son est récurrent ? Quel procédé poétique est utilisé ? Quel est l’effet produit ?
III. L’Hommage
1- Expliquez la métaphore du 1er vers de la dernière strophe.
2- Quelles vertus des condamnés le poète exalte-t-il dans sa dernière strophe ?
3- Quel est le procédé stylistique dominant ?
4- Sur quoi porte la répétition ? Dans quelle intention ?
5- « En s’abattant » : pourquoi ce verbe prend-il toute sa force en étant le dernier mot du poème ?